Louis Bouyer, Recensione di Léon Gromier, Commentaire du "Ceremoniale episcoporum" (Paris, 1959) in La Maison-Dieu n° 62, 1960

La recensione di Louis Bouyer
al Commentario del Cerimoniale
dei vescovi di mons. Léon Gromier

Mgr Léon Gromier, chanoine de la Basilique vaticane: Commentaire du "Ceremoniale episcoporum". Paris, 1959, aux éditions de la Colombe.

Les lecteurs habitués à ces commentaires rubricistes, intrépidement ignorants de l'histoire comme de la théologie liturgiques, pour ne rien dire des normes générales du droit canon, et de surcroît écrits, semble-t-il, avec de la gomme à effacer (paix aux mânes des Haegy, des Hébert... e tutti quanti!) auront besoin d'un vigoureux effort de réadaptation s'ils mettent le nez dans cet ouvrage. Tout d'abord qui s'attendrait à trouver dans un manuel de Cérémonies (ecclésiastiques) la verve et (même la bile), l'esprit (dans tous les sens du mot), voire quelque chose du style qu'on croyait n'appartenir qu'au deuxième duc de Saint-Simon (le fils de celui que le roi aimait parce qu'il ne bavait pas dans son cor)? Mais, à la réflexion, il n'est point si surprenant qu'une passion (maniaque jusqu'au sublime) pour les rites produise des effets analogues à la passion pour l'étiquette, lorsqu'elle se développe pendant toute une vie chez un esprit où vont également de pair l'érudition fabuleuse, le coup d'œil (et de dent) impitoyable, et puis un sens inné de certaines grandes réalités vivantes qu'enferment les formes apparemment les plus vétustes... sans oublier un sens de la langue qu'un grand seigneur pouvait avoir mieux méme que les crocheteurs du port au foin, et un chanoine cacochyme tout autant que le sénateur Pococurante.

Le fruit actuel de cette idiosyncrasie, renouvelée et cléricalisée de façon tout de même assez inattendue, ménage encore, au long de dissertations qui devraient être assommantes mais que leur langue en préserve toujours, d'infinies surprises, toutes plus délectables les unes que les autres. Vous intéressez-vous à la couleur des vêtements épiscopaux, ou (si parva licet componere magnis) aux attributs (Monsignor Gromier dirait, je pense, aux oripeaux) dont se parent les savants, discrets et vénérables membres de nos insignes chapitres des Gaules, - pour ne rien dire des armoiries, devises (ou cris!) dont usent NN. SS. les Évêques, - ou à n'importa quelle autre chose ejusdem farinae? Vous trouverez dans ce livre indispensable non seulement tout ce qu'on peut en savoir, mais tout ce qu'il faut en penser, même s'il est plus sage de ne point le dire ou l'écrire (à moins qu'on soit le vice-doyen du chapitre vatican). Mais ce que l'on en doit le meilleur estimer, comme eût dit notre du Bellay, c'est, à mon humble avis, le morceau de bravoure consacré à l'entrée à cheval de l'Évêque dans sa cité cathédrale... C'est beau comme le lit de justice pour la cassation du testament de Louis XIV.

Qu'on n'aille point imaginer pourtant que cet étonnant ouvrage procure seulement une espèce grandiose d'Almanach Vermot ecclésiastique. Certes, auprès d'un auteur (que dis-je? d'un homme!) qui, nourri dans le sérail, en connait les détours, et vous y "cicéronise" avec une autorité insurpassable, les Ferdinand Fabre, les André Billy, les Roger Peyrefitte font figure de petits garçons incompétents et balbutiants. Il serait dommage, toutefois, que ce feu d'artifice atomique tiré en plein dans la gloire du Bernin dissimulât par ses chandelles romaines (d'une pyrotechnie toute française) les choses fort sérieuses qu'il enveloppe. Je ne parle pas ici simplement de la science de son auteur (dont on regrette, tant elle est réelle, qu'elle se refuse si superbement au prosaïsme des notes). Je veux dire que ce livre, sur la vraie manière d'interpréter (historiquement, canoniquement... et rationnellement!) rubriques et réponses de la Congrégation des Rites, - sur la nature traditionnelle de la liturgie, - sur le lien étroit entre une vraie notion de et un accomplissement intelligent des rites sacrés, - et sur quantité de matières aussi importantes et pareillement néglìgées aujourd'hui, - renferme bien des phrases d'or qu'on ne sera peut-être pas moins surpris d'y découvrir que tant de connaissances ébouriffantes et de réflexions désopilantes... Louis de Rouvroy (deuxième duc de Saint-Simon) lui non plus ne bavait pas dans sa trompe de chasse quand il sonnait le hallali de certaines idées reçues.

Louis Bouyer.

da: "La Maison-Dieu" n° 62, 1960, p. 152-153

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Inserito il 23 marzo 2009